Les sessions pour "Around The World In A Day" ont commencé dès janvier 1984, avant même que "Purple Rain" ne soit complètement terminé! La sortie de ce disque fut extrèmement rapide puisque seulement dix mois le sépare de l'album précédent, ce qui fut considéré par certains comme un suicide commercial. Beaucoup de nouveaux fans espéraient trouver une suite logique à "Purple Rain", voire même un album live, mais ce nouvel opus sonne radicalement différent de tout ce que Prince avait pu faire auparavant.

Prince se plonge en effet dans une influence totalement psychédélique, comme s'il voulait acquérir les lettres de noblesse des plus grand noms du rock et de la pop. A ce titre, la superbe pochette représentant une échelle pointant vers les cieux a largement contribué à cette ambiance. Il semble que Prince ait préféré se concentrer sur le noyau dur de ses fans, les mêmes trois millions qui avaient acheté "1999"... Aucune promotion, ni single, ni vidéo n'a été faite pour le lancement de cet album: le single "Raspberry Beret" n'est sorti qu'à posteriori, en mai 85. Les ventes furent très fortes et dès sa sortie l'album fut classé n°1... mais il ne restera que trois semaines (au lieu de 24 pour "Purple Rain") juste le temps que le public découvre que cet album n'a rien à voir avec le précédent!

En prenant ainsi ses fans à contre-pied, Prince joua très gros: les critiques de l'album furent au départ sensiblement négatives avant que la qualité de la musique reprenne le dessus et que certains commencent à crier au génie. Mais cette époque est souvent considérée aux Etats Unis comme le creux de la vague, d'autant que Prince a refusé de participer à l'enregistrement de "We Are The World", préférant livrer un morceau inédit à l'album de USA For Africa.

En même temps, c'est seulement après un succès tel que celui de "Purple Rain" que Prince pouvait se lancer dans ce genre d'aventure. Avec le recul, ce disque est particulièrement bien considéré dans sa discographie et demeure un OVNI, une pièce à part bien que Prince ait produit des choses plus expérimentales depuis.

"Around The World In A Day" fut le premier disque à sortir sous le label Paisley Park. L'ouverture de ce label démontre que l'artiste souhaite de plus en plus prendre le contrôle sur la gestion de sa carrière. En ce qui concerne les paroles, elles sont beaucoup plus spirituelles que sur les précédents albums de Prince (cf "The Ladder") et le sexe est beaucoup moins présent, ou quand c'est le cas, il est bafoué et banni comme à la fin de "Temptation", ou Dieu demande à Prince de ne plus être un mauvais garçon et d'aimer avant de coucher!

Musicalement, et malgré ce que l'on peut dire, il y a encore beaucoup de similitudes avec le son de "Purple Rain". "America" n'est pas très éloigné de "Baby I'm A Star", et la boite à rythmes Linn est présente sur plus d'un titre. "Paisley Park" emprunte aussi au morceau "Purple Rain". Les morceaux qui déroutent vraiment sont le morceau titre, qui introduit des sonorités en provenance de l'Inde ; l'énorme pièce montée "Condition Of The Heart" qui est pratiquement un morceau de musique classique, et "Tamborine" qui ne ressemble à rien de connu, et qui est l'exemple type de la chanson qui peut être à double sens, sous l'angle sexuel ou l'angle religieux. Exemple avec la première phrase de la chanson : "oh my God, here you are, prettiest thing in my life i've ever seen" très maline...

"Pop Life" a cette fraicheur que contient tout grand morceau de Prince. Pour les puristes la version longue de neuf minutes trouvable sur la maxi single anglais, avec final au piano, est indispensable.

Mine de rien, cet album eut une influence majeure sur des artistes en herbe comme Lenny Kravitz ou Terence Trent d'Arby, et plus globalement sur le son des années 80. En visionnaire, Prince a poursuivi son cross-over black/white mais en l'élargissant beaucoup plus, lorgnant jusque ver le jazz et la pop. Les références aux années 70 et aux Beatles sont nombreuses (exemple: "Raspberry Beret"). Il est incontestablement l'un des albums les plus déroutants de la carrière de Prince.

Les faces B de singles ne sont pas non plus dénouées d'intérêt. "She's Always In My Hair" est un morceau devenu anthologique par les nombreuses interprétations live que Prince en a donné durant les 90's. Mais la version studio est également très bonne, même si elle est un peu trop axée sur les effets de synthés. Toutefois, le solo de guitare proposé dans la version longue vient compléter habilement les harmonies vocales qui nous amènent à une fin assez psychédélique. Un régal!

"Hello" est un titre écrit en enregistré très vite juste après la série d'attaques dont Prince a été victime dans la presse début 85. Sont abordés dans ce titre sa non participation à la chanson "We Are The World" (avidement critiquée) et l'incident qui a eu lieu avec un photographe que son garde du corps, Big Chick, a envoyé à l'hopital après qu'il ait tenté de rentrer dans la limousine de Prince pour prendre une photo. Prince donnera un titre inédit, "4 The Tears In Your Eyes", à l'album de USA For Africa. Ce titre, dans une version acoustique, sera également diffusé lors du Live Aid de 1985.

Enfin, "Girl" est un amusant morceau basé sur un rythme linéaire de drum machine ressemblant à des battements de coeur. Les paroles sont assez osées, et le texte est une sorte de monologue dédié à une fille. Amusant sans être toutefois transcendant.